Laura Covaci – Orphelinat, une histoire de la solitude collective
Pour sa troisième exposition à la galerie 208, l’artiste roumaine Laura Covaci nous présente une série de peintures de photographies numériques et une installation, toutes deux réalisées à partir de poupées d’enfants.
Ce projet ambitieux, Laura Covaci y travaille depuis longtemps. Il a commencé par la recherche de vestiges que sont les poupées (personnage centrale de ce travail). Il s’agit des poupées typiques de la période 1970-80 que l’ont pouvait trouver dans les boutiques de jouets socialistes. Ce qui intéresse Laura dans ces objets ce sont les traces laissées à travers le temps par les enfants, comme un transfert d’âme.
A partir de ces objets, trois moyens plastiques ont été utilisés, donnant lieu à trois niveaux d’expérience et de communication : l’installation utilise les poupées en tant que telles tandis que les photographies digitales des objets aboutissent à la peinture. Ces trois registres ne sont pas isolés et interagissent entre eux : la peinture se nourrit de l’installation tout en devenant virtuelle par l’intermédiaire de la photographie numérique.
L’installation
Les poupées sont insérées, « mises en bière » dans des cubes en plexiglas avec toutes leurs lésions, leurs morsures, leurs traumas, leurs bleus. Elles sont, par effet de contraste, entourées par les éléments d’un paysage idyllique, mais largement artificiel, illustrant le goût de l’époque et les slogans de la propagande – des fleurs en plastique, des papillons, des poissons en verre, etc.
Les photographies digitales
Les photographies, présentées sous caissons lumineux, proposent de voir les poupées en tant que documents d’un devenir: la photographie souligne les étapes de la métamorphose « poupée -> transferts subis par le pantin -> état de mutant ».
Les peintures
Les peintures de Laura Covaci mettent en exergue des marques, des engrammes, des tatouages affectifs à fleur de peau, qui rendent compte de ce que les enfants ont vu, senti et souffert durant la soi-disante « Epoque d’or ». Il s’agit d’un déplacement du vécu enfantin sur le plastique, d’une humanisation des fantoches, qui, en quelque sorte, contrebalancent la déshumanisation provoquée par le régime communiste. Laura Covaci, par le geste pictural, refait ces traces, afin de libérer leur trajectoire initiale, de les rendre sensibles, de mettre en évidence le destin des poupées mutantes. C’est, si l’on veut, une démarche d’archéologie subjective, une fouille dans les tréfonds de l’innocence bafouée des enfants. Et, en même temps, un essai projectif, de visualisation de leur existence future en tant que mutants, en tant qu’êtres possibles.